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Asymétries – LES France

Asymétries – LES France

25 aout 2025

Par Ludovic Noblet, fondateur de Cobelty

Le transfert technologique et la standardisation internationale sont deux vecteurs essentiels de diffusion et de valorisation de résultats de travaux de recherche. Ils se combinent, se complètent pour constituer un levier majeur d’innovation en particulier pour les technologies numériques comme la 5G, la cybersécurité et bientôt l’IA ou le quantique. Mais les processus associés sont structurés par de nombreuses asymétries – d’information, de pouvoir, de ressources – qui favorisent certains acteurs au détriment d’autres. L’open source change-t-il la donne ? en partie seulement.

Dans le cadre de transferts technologiques de nature bilatérale c’est à dire de la négociation entre un laboratoire ou un office de transfert technologique (OTT) et un industriel, le rapport de force peut être significativement déséquilibré. Sans être caricatural ni exhaustif, les asymétries usuelles suivantes peuvent être énumérées:
– Information: le laboratoire, le chercheur maitrise la technologie, l’industriel maitrise le produit et le marché
– Ressources: disproportion au niveau des équipes juridiques et budgets mobilisables entre laboratoire / OTT et industriel
– Pouvoir: laboratoires peuvent être particulièrement dépendants face aux financements privés
– Culture: entre science ouverte d’un coté et la confidentialité business requise par des dimensions de nature compétitive de l’autre

Ces asymétries doivent être considérées de manière très lucide car elles peuvent conduire à une sous-valorisation des technologies faisant l’objet d’un transfert ou encore de clauses contractuelles déséquilibrées.

La standardisation internationale est quant à elle une modalité importante, de plus en plus critique d’un point de vue géostratégique, de transfert technologique. Or cette modalité diffère du transfert de nature bilatérale de par l’élargissement compétitif considérable qu’elle implique, ainsi que la considération de dimensions horizontales de marchés, propres aux contextes multi-latéraux et la portée globale es standards. Derrières les mécanismes associés, le terrain n’est pas neutre du tout: des asymétries importantes façonnent qui capte la valeur et qui reste à l’écart. Traiter de la nature de la problématique associée d’asymétrie, sous toutes ses formes, devient alors une question fondamentalement stratégique. En effet, comparativement au transfert technologique bilatéral, les asymétries sont exacerbées:
– Expertise: domination de quelques géants, il suffit d’examiner les relevés de présence d’experts ou encore les contributions techniques et leur nombre
– Economique: le coût de la participation (ressources, réunions, lobbying) à supporter à court terme alors que et le retour sur investissement s’observe lui sur le temps long, sur une échelle qui n’est pas seulement celle d’une entreprise mais de tout une chaine de valeur, d’une filière
– Information: contribuer à l’effort de standardisation permet l’accès anticipé aux drafts stratégiques, ne pas s’impliquer, c’est aussi s’en priver
– Pouvoir d’influence: alliances et votes coordonnées orientant les décisions
– Géopolitique: la standardisation est un outil de soft power

In fine, ces asymétries conditionnement qui capte la valeur lorsqu’il s’agit d’exploitation d’un standard. En effet, les standards technologiques se négocient et se monétisent en particulier à travers les brevets essentiels qui est un autre sujet extrêmement intéressant à développer en matière d’asymétrie et qui fera l’objet d’un autre post. Ces considérations sont cruciales car, derrière un standard (5G, IA, cybersécurité, etc) se jouent non seulement la maitrise des marchés de demain mais aussi, et paradoxalement, des questions de souveraineté technologique. Réduire les asymétries, c’est éviter que quelques acteurs imposent leurs règles et captent l’essentiel de la valeur sinon toute la valeur, c’est se donner les moyens de réellement disposer d’une souveraineté technologique.

L’open source est une opportunité pour réduire certaines asymétries comme par exemple:
– La réduction de la barrière d’accès à l’information et au développement d’expertise à travers du code, de la documentation et des contributions publiquement accessibles. La capacité à pouvoir opérer de la R&D pour des acteurs qui ne disposent pas des moyens financiers pour acquérir des licences propriétaires et les négocier.
– Une participation « hands-on » élargie aux PMEs, startups et laboratoires de recherche
– L’accélération de la diffusion puisque l’open source favorise par définition les écosystèmes collaboratifs
– Le développement de logiques de souveraineté puisque l’open source permet a priori de réduire la dépendance à un nombre réduit d’acteurs

Cependant, l’open source n’efface pas toutes les asymétries. En effet, les grands acteurs dominent grâce à leurs capacités humaines et financières. Ils sont aussi en situation d’orienter de manière très significative les roadmaps et d’imposer des frameworks qui deviennent des standards de facto. L’asymétrie d’influence reste alors très forte. La plupart des projets open source structurés nécessitent un investissement important pour peser dans les décisions. Les petites structures contribuent de manière bénévole (le terme est choisi et important) tandis que les grands acteurs financent des mainteneurs à plein temps. L’asymétrie de ressources et de pouvoir décisionnel persiste. Enfin, la stratégie brevets autour de l’open source est souvent mal comprise, tout comme les licences open source. Publier une implémentation en open source pour verrouiller l’utilisation de standards tout en conservant des brevets périphériques aux brevets essentiels (SEPs) permet de créer une forme « d’open core » permettant de maintenir des asymétries de nature économique.

Ces considérations d’asymétrie, de réduction sont une expertise forte de Cobelty et une part importante de sa génèse, de sa proposition de valeur en matière d’intelligence stratégique. Le transfert technologique, la standardisation internationale, le développement open source sont des terrains de coopétition stratégique où les asymétries déterminent en grande partie la répartition de la valeur et l’accès au marché. Réduire ces asymétries, c’est renforcer la compétitivité collective tout en garantissant une innovation plus inclusive.

Ludovic Noblet

Fondateur de Cobelty